Je suis le Scirocco, chargé de sable et de pollens. Chargé de la mélopée
nostalgique du pays qui n'existe plus d'où venaient mes amis. Chargé du rêve impossible d'un
pays qui n'exista jamais qu'aux songes des poètes. Je suis le vent du pays de mes amis.
Je suis le Khamsin qui saute les montagnes, qui amène de Damas la mémoire des millénaires.
Je suis le sable qui assèche les collines. Je suis ce vent d'Orient qui désole les mères et
pousse les enfants aux pieds nus à monter sur les navires, une brosse à la main pour tout équipage.
Je suis le vent du pays de mes ancêtres.
Je suis l'Harmattan qui brouille l'horizon. Le vent qui rend fou, le vent qui rend sec. Je suis ce vent dont les
mères abritent les enfants, serrés contre leur dos dans les châles miroitants. Je suis la brise
marine qui rend les sourires plus blancs et les filles jolies. Je suis l'air moite et immobile des marchés
gorgés d'odeurs de poissons, d'épices et d'encens. Je suis tous les vents du pays de ma mère.
Je suis la Tramontane, qui dévale des Cévennes, qui porte la poisse des camisards,et l'honneur des
résistants. Je suis les hautes garrigues qu'effleurent les châtaigniers. Je suis les hivers des pierres
noires qu'éclairent les étoiles cachées par les crassiers. Je suis le vent du pays de mon
père.
Je suis le Mistral qui souffle en rafale, qui soulève le rire ou les larmes, qui sent le thym et la garrigue.
Je suis le Soleil de Provence qui fait chanter les cigales et les drames. Qui exagère le dérisoire
et qui n'a de pudeur que pour les grandes choses. Je suis le vent du pays où j'ai vu le jour.
Je suis le vent. Insaisissable et invisible. Je me charge de tout ce que je croise, et je laisse ma trace partout
où je passe.
Je suis le vent.
Philippe Nicolas Bondurand.
29 novembre 2014, 21:38
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