Les Vendanges de l'Autobus

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L'Héritier des Géants.

Il s'accrocha longtemps, tant, que les vents volages
L'ont à la fin jeté sur de nouveaux rivages.
Quand il s'est redressé sur le rocher mouillé,
Il leva les deux mains, droit vers le ciel brouillé,
Non pour maudire, en vain, mais plutôt rendre grâces
A tous Dieux veillant dans toutes les espaces
Pour l'avoir, seul de tout un monde, conservé.
Et puis, en attendant, il se prit à rêver.

Lui qui de l'Océan venait, en quelque sorte,
De renaître au bon gré d'une vague un peu forte,
Il rêva de son peuple aux défis impudents,
Peuple qui se voulait derniers fils des géants
Qui peuplèrent, jadis, une terre plus neuve,
Et dont le temps passé n'a laissé nulle preuve.
Un peuple fier et de sa puissance imbu
Et qui, de tout le globe, attendait un tribut.

Ils connaissaient le fer, le feu, les médecines,
Et l'art de voyager sur les plaines marines,
Tout ce qui distingue l'homme du primitif,
Qu'en leur présomption, sur un monde rétif,
Par l'exemple et la force, ils ont voulu répandre.
Mais les hommes d'alors ne voulaient pas entendre.
Par ce savoir, ils furent par trop rebutés,
Et virent ces humains comme divinités.

Alors, cette idée folle apparut dans leur tête
Qu'ils étaient les élus, les héros de la fête.
Qu'ils pourraient bientôt le monde dominer,
Ne sachant que leur règne allait se terminer.
Les forces déchaînées, en leur fureur sauvage,
Ont bousculé leurs monts par dessus leur rivage.
Et les Seigneurs du Monde ont péri sûrement,
Broyés par les débris de tout un continent.

Ils avaient tous péri, justes comme rebelles;
Les gouvernants fameux et les femmes trop belles,
Les savants médecins, les matelots bourrus.
Et, le dernier des fils des géants disparus,
Debout, là, sur un promontoire de granite,
Contemple longuement l'Océan qui s'agite,
Et les flots mille fois revenus, repartis,
Où repose à jamais l'orgueilleuse Atlantis.
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© Vincent Herelle 2016