Avant propos de l'auteur
Ce livre n’est pas destiné à substituer une légende rose à une légende noire,
concernant la colonisation en tant que système. La colonisation, sous des noms différents a toujours
existé et toutes les nations ne furent pas fondées autrement : colonisation par conquête,
par immigration ou par le ventre des femmes, et ce fut ainsi en Europe, en Asie, en Amérique, en Afrique
et en Océanie : nul continent n’en fut exempt et sur toute la surface du globe des hommes ont cherché
une vie meilleure, des espaces pour eux et leurs enfants, des richesses imaginées dés qu’à
l’aube des temps des bipèdes se sont mis en marche depuis la grande faille de l’Afrique de l’est vers ce
qui deviendra le Moyen-Orient puis les branches dirigées vers l’Europe et l’Asie et d’autre part, vers l’Afrique
de l’ouest.
Ainsi toutes les nations se sont formées sur des guerres brutales ou des invasions lentes ; les populations
autochtones devenant soit sujettes, soit minoritaires, soit intégrées. Il ne s’agit ici ni de justification
ni de condamnation mais d’une simple constatation à la portée de n’importe quel lecteur de l’histoire
du monde, ancien ou actuel, comme on peut le voir au Kosovo, par exemple.
Découlant de la théorie des nationalités chère à Napoléon III, la notion
de droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, dans son acception actuelle, est récente ;
c’est une idée née dans la deuxième moitié du XX° siècle qui en enfanta
beaucoup. Souvenons-nous que lors de la guerre de 1870, le challenge était : Si l’Allemagne gagnait,
elle annexait l’Alsace et la Lorraine ; si la France gagnait, elle annexait la Rhénanie. Les peuples
n’étaient nullement consultés ; seules les richesses du sol et de l’industrie entraient en ligne
de compte, fer et charbon en premier lieu, moteurs de la croissance des pays, à l’époque, comme plus
tard le pétrole et le nucléaire.
En Afrique où la colonisation fut le fait de toutes les puissances européennes, pourquoi les peuples
auraient-ils eut, à cette époque, plus de droits que les Alsaciens, les Lorrains ou les Rhénans ?
Plus que les Grecs et les habitants des Balkans colonisés par la Turquie ?
Leur opinion ne comptait absolument pas et n’apparaissait nullement comme une contrainte morale. Au contraire,
les puissances d’alors pensaient apporter à ces peuples dits primitifs dont ils connaissaient peu les mœurs
et l’histoire, les progrès matériels en même temps que leur civilisation. Que ces progrès
matériels et cette civilisation conviennent ou pas aux peuples conquis n’effleurait même pas l’esprit :
Les Romains ont-ils pensé au bonheur des Gaulois ? Nous sommes tous des colonisés.
Il n’y avait, à priori, pas davantage de points communs entre les Francs germaniques et les Ligures frottés
de latin qu’entre les berbères numides et les nomades d’Arabie. Le ciment dans l’un et l’autre cas fut la
croyance religieuse plus ou moins vigoureusement imposée : Valeurs chrétiennes en Europe, en
dépit des différences de culte et souvent de dogme, valeurs islamiques au Maghreb en dépit
aussi de différences comparables. Les Juifs, mêlés aux deux groupes de population y faisaient,
en quelque sorte, office de levain intellectuel et économique. Les puissants d’Europe confiaient leurs trésors
à leurs banques, souvent par paresse ou inaptitude ; les puissants Turcs et Maghrébins les prenaient
à leur service comme financiers parce que leur religion leur interdisait le prêt et l’agiotage ;
Ce seront les Rothschild en Prusse, puis en Angleterre et en France, Les frères Pereire aussi et bien d’autres
moins célèbres ; En pays musulman, rares sont les noms de Juifs influents connus : Ils
arabisaient leur patronyme, par prudence.
Les puissants, de toute part, s’étaient vite rendus compte qu’il était plus facile de se débarrasser
de leurs créanciers juifs en les accusant de mille turpitudes inventées que, par exemple, des banquiers
lombards ou des Templiers…
Donc, mon travail n’est pas politique. Il découle de l’observation que la colonisation de l’Algérie
a donné lieu à une multitude d’ouvrages dont le cœur est Alger, capitale et siège de l’autorité.
Non que l’Oranie en soit absente, elle ne fut que rarement traitée de façon spécifique ;
or la population autochtone comme l’histoire en faisait un amalgame aussi particulier que pittoresque. Eloignée
des centres de décision, l’Oranie s’est construite suivant son génie propre : Berbères,
Juifs andalous ou indigènes, Espagnols, sur tout cela, la greffe française a bien pris. Il y eut
comme partout des voyous et des coquins aussi nombreux dans chacune de ses composantes, mais il y eut aussi partout
des hommes de bonne volonté, animés d’idéaux élevés, et, puisque nos beaux esprits
de la fin du XX° siècle et du XXI° naissant trouvent mille excuses au communisme qui fut une colonisation
des terres et des âmes particulièrement sanglante, au motif, qu’il souhaitait le bien du genre humain,
j’ose demander compréhension et justice pour ceux-là au moins et pour leurs descendants nés
sur cette terre qu’ils ont su aimer et dont ils portent le deuil.
A travers ce que j’ai pu savoir de la vie de mon arrière arrière-grand-oncle, j’ai désiré
dessiner un portrait loyal, intégré dans une époque et publier des documents inédits
qui peuvent jeter quelques lumières sur ce moment de l’histoire. Ces documents ont été conservés
dans les papiers de ma famille. Il me semble que mon devoir, après le naufrage de notre Atlantide, est de
les verser au dossier de l’Histoire en les replaçant dans le contexte de l’époque où ils ont
été écrits, sur le sol de l’Algérie tout en faisant référence, bien modestement,
à la fresque turbulente de ce monde du XIX° siècle.
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